Fiche d'Adrien

Comme la plupart des gens, je me rappelle assez peu ma petite enfance. Mon premier véritable souvenir date de quand j'avais 5 ans, ma maman était venue me réconforter en plein milieu de la nuit parce que j'avais rêvé qu'une armée de chétiflors essayait de me manger. Bref, je m'égare.

Dans la vie, j'étais bien parti pour être heureux. J'avais un papa et une maman, de gentils agriculteurs un peu marginaux. Ils ne m'envoyaient pas à l'école, j'aidais à la ferme et le reste du temps je me baladais aux alentours. Le dimanche, on allait vendre une partie de nos récoltes à Paoles et, ça paraît bête dit comme ça, la civilisation me fascinait.

Mais ça n'a pas duré longtemps. Eh oui, vous avez bien suivi vos cours, l'imparfait exprime un passé révolu. Ça s'est brisé quand j'avais 7 ans. On pêchait avec mon père dans un petit ruisseau pas loin de la maison, le genre de cours d'eau où le pokémon le plus dangereux c'est un bébé rémoraid. Alors bien sûr, on faisait pas vraiment attention, lui surtout ne s'attendait pas à se faire piquer au pied par un tentacool. Un tentacool dans un ruisseau, c'est invraisemblable. En tout cas, sur le chemin du retour, il a commencé à avoir mal à la jambe. Il y avait une longue trace pourpre qui remontait de la cheville au genou, ça avait l'air très douloureux. Après, je ne me souviens plus bien. On est rentrés, il a fallu appeler un médecin qui a mis plusieurs jours à venir et la maison était sens dessus dessous. Et puis il est mort. Maman a beaucoup pleuré, leurs quelques amis aussi. Après ça, on a abandonné la ferme et on est partis vivre à la ville.

C'est là que j'ai obtenu Liam. Comme je n'allais toujours pas à l'école, j'étais toujours fourré dehors, avec les autres gamins du quartier ou bien dans la forêt. Sauf que ça plaisait moyennement à ma mère, que son fils traîne seul dans une nature qui lui avait déjà pris son mari. Alors elle m'a offert un œuf. J'en ai pris soin comme jamais, je le gardais toujours avec moi, j'allais même jusqu'à frotter sa coquille pour qu'elle brille.
Ma mère m'avait dit de ne pas me faire trop d'idées, qu'elle l'avait eu chez des éleveurs du coin et que ce serait sûrement un écrémeuh. N'empêche que je n'arrêtais pas d'y penser. Peut-être que ça allait être un aspicot, et puis il deviendrait un dardargnan hyper puissant. Ou bien non, un pokémon dragon ! Ça faisait rêvé tous les gamins ça, un pokémon dragon. Finalement, au bout de quelque semaines, j'ai eu un laporeille. Bon, j'étais un peu déçu. Beaucoup même. Et puis, il était bien mignon, mais il n'osait pas sortir, et comme je ne pouvais pas aller me balader sans lui...

Ça a été une période un peu horrible. En plus, je glissais doucement vers l'adolescence, je perdais mes amis de vue et j'avais de l'acné. Du coup, je restais cloîtré dans l'appartement familial à me documenter sur la faune et la flore de Miranoir. C'était à peu près tout ce qu'on avait comme livres à la maison, avec des instructions sur la façon adéquate d'entretenir les champs. J'ai passé plusieurs années presque proscrit chez moi, avec Liam pour seule compagnie. Maman s'était peu à peu repliée sur elle-même et je ne savais pas vraiment comment l'aider. On était devenus étrangers, mais ça nous convenait. Avec du recule, je me dis que même sans la mort de mon père ça aurait fini comme ça.

Vers 16 ans, j'ai décidé que j'allais faire quelque chose de ma vie. J'ai renoué des liens avec mes anciens amis, qui m'ont aidé à rattraper mon retard social et scolaire. Et j'ai même poussé Liam à combattre. Ça ne lui plaisait pas, ce ne lui plaît toujours pas, mais il se forçait pour me faire plaisir, et ça marchait. A partir de là, j'ai compris que les pokémons n'étaient pas des machines, qu'ils ressentaient comme les humains. Je me suis senti beaucoup moins seul.

Et puis un beau jour, ma mère m'a dit qu'on allait habiter à Hoënn. J'ai pas compris. Soi-disant qu'elle avait rencontre un homme via une agence maritale, qu'ils avaient échangés quelques lettres par poichigeons et qu'ils avaient décidé d'emménager ensembles, avec ses deux enfants. En moins d'une semaine les cartons étaient faits, l'appartement vendu, et on regardait les vagues depuis le pont du ferry.

Là-bas, ce n'était pas la joie. L'homme, assez antipathique, avait une fille colérique et un fils dépressif. Je ne passais à la maison que pour dormir et étudier de temps en temps. J'avais 20 ans, l'âge où on a mieux à faire que travailler. Et pourtant, j'étais plutôt doué, j'avais « un point de vue différent », « des idées rafraichissantes » d'après mes professeurs. Ma famille ne s'inquiétait pas pour moi et me laissait faire ce que je voulais, et c'était tant mieux.

Un jour, le petit frère, Adam, est parti pour Miranoir. Il allait à l'université. Je le connaissais très mal, mais sur ce coup-là, il m'a inspiré. Je suis rentré au pays, à Saprule. J'ai commencé une étude sur les pokémons plantes, mais ce n'était pas très fructueux, et j'avais des problèmes d'argents, donc je suis devenu ranger. J'ai essayé de renouer les liens avec Adam, mais ça n'a pas fonctionné non plus. Me voilà donc à Miranoir, un peu perdu, avec mon petit Liam. Mais je m'en fous, un jour, je serai Professeur Pokémon.